Comment la crise roumaine a poussé les politiciens hongrois à reconnaître les menaces russes

Le 6 décembre, la Cour constitutionnelle roumaine a annulé le premier tour de l'élection présidentielle de novembre, remporté par Călin Georgescu, un candidat populiste d'extrême droite prorusse. Georgescu a été particulièrement actif dans sa campagne sur TikTok, où il a diffusé des messages polarisants et provocateurs.
Selon les rapports des services de renseignements roumains et des autorités de l'État, la campagne a bénéficié d'un financement secret russe et d'irrégularités financières. Des dizaines de milliers de pseudo-profils et près d'une centaine d'influenceurs rémunérés ont été impliqués dans la promotion du candidat. La décision de la Cour constitutionnelle a fait jurisprudence : l'annulation des résultats d'une élection démocratique est un événement rare et sans précédent dans la région.

Le second tour des élections devrait avoir lieu en mars 2025, mais la campagne a déjà suscité de nombreuses controverses, notamment sur l’efficacité des techniques de désinformation russes et la manipulation des plateformes de médias sociaux.
Réactions hongroises : relativisation et inquiétude
D’après TélexEn Hongrie, les réactions politiques ont d'abord relativisé l'importance des événements en Roumanie. Le 5 décembre, lors d'un forum, László Kövér, président du parlement, a déclaré que les critiques à l'égard de l'intervention russe relevaient d'un double standard. Selon lui, si le soutien de la Russie est un scandale, d'autres acteurs étrangers – comme les groupes liés à George Soros – considèrent des activités similaires comme des activités de construction de la démocratie. Dans le même temps, Kövér a critiqué le passé politique de Georgescu, le comparant aux mouvements fascistes de l'entre-deux-guerres.
Le 12 décembre, Gergely Gulyás, ministre en charge du cabinet du Premier ministre, s'est montré plus prudent. Il a déclaré que le gouvernement hongrois ne prenait pas parti dans les processus politiques internes de la Roumanie, mais a décrit la décision de la Cour constitutionnelle comme un nouveau chapitre de l'État de droit européen. Gulyás a suggéré que l'examen des résultats des élections pourrait créer un précédent permettant aux autorités de l'État d'annuler arbitrairement les élections.
Fin décembre, la rhétorique des dirigeants politiques hongrois avait considérablement changé. Viktor Orbán et László Kövér ne relativisent plus la question de l'ingérence russe, mais la considèrent comme une menace sérieuse. Lors de son briefing annuel au cabinet, Orbán a déclaré que la Roumanie avait acquis une expérience précieuse en matière de défense contre ce type d'ingérence et que la Hongrie souhaitait en tirer des leçons. Il a demandé au gouvernement roumain de partager des informations sur les technologies et les méthodes utilisées.
Orbán et Kövér ont particulièrement insisté sur la dimension technologique. László Kövér a déclaré que la manipulation des réseaux sociaux, l’utilisation d’algorithmes et la désinformation en provenance de l’étranger constituaient une menace sérieuse pour les processus démocratiques. Il a ajouté que ces menaces « doivent être soigneusement anticipées », et l’exemple de la Roumanie met en évidence les vulnérabilités auxquelles il faut remédier.
Les aspects politiques et technologiques de l’intervention russe
Fin décembre, le gouvernement hongrois a reconnu la gravité de la tentative russe d'influencer le pays, mais a déplacé son attention de l'analyse des intentions politiques vers l'arrière-plan technologique. Les déclarations d'Orbán et de Kövér ont montré que les dirigeants hongrois considéraient les aspects techniques de l'ingérence comme les plus pertinents pour la prévention.

Bien que les services de renseignements roumains et américains aient clairement accusé la Russie d’être à l’origine de cette manipulation, le gouvernement hongrois a évité de mentionner les responsabilités spécifiques. Orbán a plutôt évoqué des questions telles que les méthodes et les moyens de manipulation dans l’espace virtuel. Il a souligné qu’il était essentiel pour la Hongrie de développer son infrastructure technologique et sa cybersécurité pour protéger les élections démocratiques de telles influences extérieures.
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La Hongrie est un État client de la Russie. Le gouvernement du Fidesz ne désignera jamais la Russie comme l'unique responsable de quoi que ce soit.
Peut-être Orbán espère-t-il recevoir le même type d’aide de la part de Poutine contre les Hongrois le moment venu.
Si cela se produit et qu’Orbán revient au pouvoir, il changera peut-être le nom de la Hongrie en Orbánistan.